Pytra lit, a lu, lira...

dimanche, novembre 06, 2005

Arto Paasilinna – Petits suicides entre amis

Le suicide, la mort voulue et consentie. Quel sujet barbant, et a priori morbide, me direz-vous. Et pourtant, pourtant... (Non, ce n’est pas le début d’une chanson d’Aznavour, enfin, pas aujourd’hui.). La Finlande, dit-on, possède un des plus fort taux de suicide du monde. Pas étonnant, si l’on songe à la nuit polaire, à la bouffe finlandaise et au sauna... encore une fois, et pourtant !

J’ai récemment commencé la lecture de « Ainsi vivent les morts », de Will Self. Ok, je me suis arrêtée page 61, mais si le thème est le même, la mort et ses multiples variations, l’effet produit (et de là la qualité du bouquin, pour moi en tout cas) n’est absolument pas le même.

Le roman d’Arto commence par une double tentative ratée de suicide, du président (actuellement en faillite, marié à une femme acariâtre) Onni Rellonen d’une part, et du colonel Hermanni Kempainen d’autre part. Ils avaient choisi la même grange pour se donner la mort. De cette rencontre a priori pas très heureuse naît une amitié forte entre les deux désespérés et surtout l’ambition de rassembler tous les suicidaires de Finlande, afin de former une armée (Kempainen est un militaire veuf acculé au suicide par ennui et solitude). Ils trouvent 600 candidats, qu’ils rassemblent à Helsinki pour un symposium, aidés en cela par la directrice adjointe Helena Puusari, tout aussi suicidaire qu’eux mais beaucoup plus efficace et organisée dans son travail.

Suite à moult péripéties, ils se trouvent à 30, avec un bus, en partance pour le grand saut collectif au Cap Nord, en Norvège. Les personnages sont hauts en couleurs, et chacun a une bonne raison pour se suicider, se faire sauter le caisson, se dessouder, se supprimer, bref pour disparaître définitivement. Il y a une enseignante d’art ménager battue par son mari, un capitaine dont le bateau n’est qu’un tas de rouille coûteux, un autocariste déterminé et passablement chauffard entre autres, et quelques égarés non suicidaires, dont un éleveur de rennes fugitif et un serveur poète.

Tout ce petit monde ne reste pas en Norvège, mais se dirige vers le sud, la Suisse, puis le Portugal. Et tout ce petit monde se découvre, parle, campe, mange et boit, bref... revit. Je ne dévoile pas la fin mais la morale est très finlandaise, maligne et pas gnangnan pour deux sous.

Ce livre m’a ravi, il n’est pas trop long, bien rythmé, et alimente mes propres réflexions sur le suicide : peut-on, a-t-on le droit de se donner soi-même la mort ? Existe-t-il des moments dans la vie où l’on sait sans erreur possible que la vie est finie, qu’elle ne peut plus rien apporter ? Se sont peut-être des digressions de philosophie débile à trois francs, mais ce sont quand même des réflexions qui taraudent pas mal de monde, en Finlande du moins.

C’est aussi très drôle. Ha ben oui, sinon je pense que je n’aurai pas tenu, si chaque spasme de l’agonie était décrit, et si chaque raison de désespérer franchement et sincèrement explorée (tu n’entends, Will Self ? arrête de faire des livres où les morts sont suivis par leurs enfants morts en bas âge et leurs fausse couches toujours raccrochées à leurs corps!)

Arto a aussi écrit d’autres livres, dont la « Douce Empoisonneuse », que je vais bientôt sans doute lire (merci Maryyyse) et j’écrirais alors, si j’ai le temps, aussi dessus.

Petits suicides entre amis, titre original « Hurmaava Joukkoitsemurha » (pour ceux qui lisent le finnois...), folio poche, prix indéterminé.

Pas de lien Web, en tout cas pas de recherche.

mardi, novembre 01, 2005

James Ellroy – Le Dahlia Noir

Ceci est un livre policer à la fois envoûtant et légèrement acide, comme j’en avais assez peu lu auparavant : le langage est vert, souvent violent, volontiers vulgaire, toujours très cru et sans concession bon enfant comme dans les polars anglo-saxons.

La scène se déroule en 1947, au moment même où les USA sont censés être les nouveaux maîtres du monde, juste après la seconde Guerre Mondiale. Mais ce boom économique ne ce fait pas sentir (c’est toujours la misère pour bien des citoyens...), pas plus que le penchant gore de certains autres bons livres de la même veine, ou tout du moins classés dans le même coin à la librairie et qui n’ont rien à voir – je doute que Patricia Cornwell puisse être comparée à Ellroy, et vice versa.

L’histoire ? Deux flics, deux boxeurs, l’un d’entre eux est le narrateur, et surtout le personnage du Dahlia, que l’on retrouve assassinée – et passablement mutilée – dans un terrain vague de LA, le 15 janvier de 1947. L’enquête s’organise, et les flics mettent tout en œuvre pour retrouver « la salaud qui a fait ça » pour reprendre la formule archi-consacrée. Et puis, c’est mystérieux, c’est captivant, je ne suis même pas sûre que le meurtre soit le plus important tant l’ambiance même est bien rendue, ciselée ou plutôt découpée au cutter, avec des crises, des secrets, des manigances et le paysage urbain de LA, celui de Tijuana, les maisons et les voitures années 40...

Quand l’envie de savoir la fin est trop forte (quand même, c’est un polar « noir », et on veut savoir qui et pourquoi !), Ellroy réussit encore à nous faire nous intéresser à autre chose, et les multiples intrigues secondaires font autant la force du livre qu’elles ont fait que mon intérêt pour le personnage du Dahlia en lui-même –Betty Short, wannabe actrice belle comme la nuit et d’abord facile pour les membres du sexe opposé – c’est un peu émoussé vers la fin, mais au total, c’est vraiment un très bon moment et surtout, un style que j’apprécie énormément.

Ce livre fait partie du quatuor de Los Angeles, qui comprend aussi LA Confidential, que j’avais lu au printemps sans savoir : vu que le Dahlia Noir est le premier, autant commencer pas celui-ci, puis enchaîner sur Le Grand Nulle Part, puis LA Confidential, et terminer par White Jazz. Il est inspiré d’une histoire vraie, qui fut à l’origine de dizaines de livres et de sites web, que l’on peu consulter si vraiment on devient fana de cette histoire, mais le point de vu subjectif de J Ellroy est à mon avis assez captivant.

Le livre a été adapté en film et sortira en 2006, avec Josh Hartnett et Aaron Eckart dans les rôles de flics, et Scarlett Johanson dans le rôle de Kay, qui est une femme qui compte pour ces deux hommes. Je ne sais qu’en penser, mais a priori l’adaptation de LA Confidential a été bonne, et pourquoi pas, en sachant que les films ne sont souvent que des pâles copies des livres...

En bref, un bon, très bon livre, une ambiance fascinante, et la version personnelle d’un meurtre mythique.

Le Dahlia Noir, ed. Rivages/Noir, 9€45

Merci à ce site sur Ellroy, que je n’ai pas recopié ;) http://www.edark.org

Et aussi ce site (trouvé en lien sur le site précédant) http://www.pop-comm.com/blackdahlia/book.htm